La sortie, en bus, de San Francisco est frappante. Passage sans transition de la belle ville bien léchée à la misère crasseuse et poussiéreuse. Les ravages d’une population à peu près livrée à elle-même sans aide ni éducation sont époustouflants, écoeurant.s Même si cela a été dit, redit, re-redit et re-re-redit, la Maison Blanche se targue de vouloir aller sauver le monde à grands coups d’aides ou de bombes aux quatre coins du globe mais elle ferait bien de regarder un peu plus attentivement en son sein. Mais que voulez-vous, on ne voit pas tout cela depuis un avion, que je me remercie cent fois de ne pas avoir pris. Les trajets en bus, pour qui sait avoir l'oeil et le coeur ouverts, sont toujours des expériences captivantes, parfois saisissantes, parfois éblouissantes. Celui-ci est une fine association des deux. Après être passé par ce qui s'apparente presque à des bidonvilles, la routes se lance à l’assaut des premières montagnes et l’on se retrouve au milieu d’un paysage de vallons peuplés de pins, couverts de neiges, arrosés par un soleil printanier et un ciel bleu azur de bon augure. C’est la fin de la Californie et l’arrivée dans le Nevada, duquel on commence à apercevoir les gigantesques étendues désertiques. On redescend doucement et la neige fait progressivement place à la roche, au sable, à la poussière, au béton et à l’asphalte. Le bord de la route clignote de pancartes plus ou moins lascives, attirant le regard sur des spectacles pornographiques plus qu’érotiques, de la nourriture nauséabonde à prix cassé, de l’alcool à gogo et surtout la tentation du jeu, la richesse aisée à portée de tous.
Bienvenue à Reno, petite ville du Nevada où le néant se gonfle d'hôtels titanesques, se pare de dorures, de paillettes; de scintillements, médiocres et délavés. L’ambiance dans les rues est des plus insolite en ce début d’après-midi. En toile de fond se dresse la nature grandiose, d’un côté enneigée, de l’autre asséchée. Une brise fraîche contraste avec le soleil éblouissant mais encore plus avec ces gargantuesques antres du vice, éparpillés à quelques dizaines de mètres les uns des autres et entre lesquels il n’y a rien. Les gens qu’on croise dans les rues s’agencent en trois catégories. Les premiers, les plus nombreux, sont les alcoolos ou junkies, déguenillés, crasseux, odorants, errant le regard vide quand ils ne dorment pas étalés sur le trottoir. Les deuxièmes sortent les yeux gonflés des salles de jeu fermées et tamisées. On ne sait trop dire depuis combien de temps ils n’ont pas vu le jour, eux non plus. Il sont encore propres sur eux mais un rien les sépare des premiers. Enfin viennent les quelques rares personnes ordinaires, qui déambulent le plus naturellement du monde dans cet environnement surréaliste. Après quelques heures, la parenthèse se referme, le bus se transforme en train et l’on fonce droit vers l’est d’abord dans un canyon puis à travers les gigantesques plaines désertiques. L’horizon se décline selon la palette complète des différentes nuances d’ocres, de beiges, de marrons, de jaunes, de verts asséchés et de rouges rouillés. Arbres squelettiques, buissons hérissés, sable poussiéreux, poteaux usés, rochers poreux, montagnes plissées, usines éparses, tout se confond dans le lointain arrosé de cette lumière chaude et orangée d’une fin d’après-midi et d’un début de soirée. De temps à autre, le vert vif d’un champ irrigué ou le bleu céruléen d’un lac fantomatique jaillit dans la pupille comme un seau de peinture écarlate éclaté sur un mur blanc. Et puis les couleurs s’unissent et s’assombrissent, tirent vers le beige, le gris et le noir tandis que le ciel jusqu'alors uniformément bleu électrique étale tout son talent d’acteur. Il nous en fait voir de toutes les nuances et de toutes les couleurs. Les bleus et les gris d’un côté, les rouges, roses, et orangés de l’autre. Dans un sursaut d’orgueil, le soleil en met plein la vue, scintillant et bourdonnant, il remercie chaque protagoniste d’un rayon au ton unique et tire sa révérence en plongeant tout le monde dans le noir |
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Mai 2020
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