Que dire, que dire ? Dur à dire… J’ai quitté Christchurch sous le soleil, tout heureux de me lancer dans mon premier road trip avec ma nouvelle voiture (dans le sens que je viens de l’acquérir, sinon on a presque le même âge). Je me suis réveillé au bord d’un lac, j’ai été me balader dans une plaine parsemées de gros cailloux surmontée de nuages en froufrous et j’ai remonté le cours d’une rivière souterraine à travers une grotte magnifique.
Puis j'ai vu que j'avais un sms d'amis belges : “ça va ta famille à Bruxelles?”. A la première lecture je pense que c’est juste une tournure en mode mission cléopâtre : “et la famille ça va? Ça va, ça va, imotep”. Puis lorsque j’allume la 3G et que je reçois un message de mon frère disant que tout le monde va bien, je comprend qu’il y a quelque chose qui cloche. Je fonce donc sur internet, mon coeur ayant au moins triplé sa cadence et là, je réalise, et je fond en larmes. C’est dur de pouvoir expliquer le frisson qui vous parcours l’échine, le bloc de béton qui vous remplit l’estomac, le niveau qui monte dans vos yeux quand vous apprenez que l’endroit où vous avez passé les vingt-quatre premières années de votre vie, où vous avez laissé votre famille et tous vos amis, a été victime d’une attaque terroriste tandis que vous êtes seul et à 20 000 kilomètres. J’ai l’impression de m’être fait poignardé, qu’on a attaqué une partie de moi. Trois mois que j’ai quitté Bruxelles, ma belle, et je réalise seulement à quelle point j’y tiens. Là j’ai compris ce que c’était la distance, de ne pas pouvoir enlacer les gens que vous aimez, quand c’est la seule chose qui puisse vraiment vous réconforter, quand rien a plus de sens que l’amour et l’amitié. J’ai passé le reste de ma journée à conduire sous la pluie, avec ma solitude comme seule compagnie. J’ai eu tout le confort de réfléchir à ce qu’il venait de se passer, à hésiter de savoir si je préférais être ici, dans l’un des endroits les plus peace du monde, où là-bas avec tout mon passé et les attentats. Au fur et à mesure de la journée, mon chagrin s’est progressivement transformé en l’envie leur faire un bon pied-de-nez, une démonstration de ce qu’est la Belgitude, l’auto-dérision, l’insoumission. L’envie d’être tête haute au milieu de l’action, de faire la fête comme jamais auparavant, d’aller manger des frites non pas chez Eugène mais à la place Jourdan, d’entamer à tue-tête nos chants étudiants, de courir tout nu sur la grand-place. La technologie, après m’avoir transmis ce drame presque en direct, m’a heureusement également permis de trouver un peu de réconfort en entendant la voix de proches. C’est avec un peu de baume au coeur que je me suis effondré dans un profond sommeil. Et en me réveillant ce matin, toujours sous la pluie, je me suis dit que quand même j’étais pas mécontent d’être ici. Parce qu’ici les gens ne sont pas aigris, parce qu’ici la nature vous enseveli, parce qu’ici c’est ma nouvelle vie.
Yoda
3/24/2016 12:10:52 am
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